Le shintoïsme et l'archipel japonais

Publié le par gazettedugeographe

 

D'après le concept de médiance, la société perçoit son milieu en fonction de l'usage qu'elle en fait et qui réciproquement l'utilise en fonction de la perception qu'elle en a (cf Augustin Berque in Médiance de milieux en paysages). L'exemple japonais est très éclairant à cet effet. Depuis toujours, l'Homme a donné un caractère sacré à l'espace qu'il occupe (la Terre Promise pour les juifs, ou les différentes villes ou lieux saint dédiés aux religions).

Dans le cas japonais, c'est l'ensemble du territoire nippon qui est sacré. Le shintoïsme n'explique pas la création du monde mais uniquement celui de l'archipel. Par ailleurs, les Japonais se considèrent comme protégés par les Kamikazes ou les esprits du vent qui les ont protégé de l'invasion mongoles (la flotte ayant été détruite à cause d'une violente tempête). Parmi les figures de la mythologie japonaise on compte Izanagi (le père des dieux), Amaterastu (la déesse du soleil et de la vie), Tsukoyomi (la déesse de la lune) et Susanô (le dieu des tempêtes et de la mort).

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Il faut noter aussi l'importance qu’attachent les Japonais à leur territoire à travers leurs rites et coutumes. En effet, les fleuves et les montagnes sont des repères géographiques des lieux saints et apparentés à la paix intérieure. Le mont Fuji qui est par exemple une divinité à part entière. Cette fascination et d'autant plus étrange que leur territoire est hostile et craint. Les forêts sont redoutées puisqu'elles sont habitées par les Kami, les esprits. De plus, la topographie additionnée aux fortes pluies des Typhons génèrent de terribles inondations qui, jusque dans les années 30, ont tué plusieurs milliers de personnes. Bien entendu, les tremblements de terre et les tsunamis sont tout aussi craints et mystifiés.

Cependant, le shintoïsme et ses codes visent à sublimer cette nature et à l'agencer, un moyen de contrôler des événements qui dépassent l'entendement humain. Ainsi, les fêtes suivent les rythmes des saisons : O Amani, la floraison des cerisiers au printemps, les iris d'eau et les pivoines en été, les érables rouges et les ginkgos en automne et les jardins minéraux en hiver. Cette mise en valeur esthétique de la nature et de l'espace – qui rappelle le Fin-Shui chinois – tend à souligner l'aspect éphémère de la nature et donc de l'Homme dans le cycle de la vie. Cet agencement de l'espace et cette mystification du milieu prouvent que les Japonais souhaitent créer un cadre de vie harmonieux en accord avec leur être.

La glorification de la production agricole est un autre aspect de l’omniprésence de la religion dans la société nippone. Le riz blanc japonais est interdit à l'exportation, le thé vert matcha est sanctifié au travers de la cérémonie du thé. Il est également formellement interdit de rapporter chez soi de la terre du Japon. Cet « orgueil territorial » s'est traduit par une autarcie complète de l'île vis-à-vis de l'Occident durant tout le shogunat Tokugawa, soit plus de 200 ans.

En conclusion, on peut émettre l’hypothèse que la capitulation japonaise de 1945 est en partie due aux bombardements atomiques de Nagasaki et d’Hiroshima qui a meurtrie leur terre sacrée. D'ailleurs, quand les Américains ont attaqué l'île de Hijo-Shima, ces derniers ont déclaré: « Aujourd'hui nous mettons le pied sur le sol sacré japonais. »

 

R.R. 

 

 

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